Gérer un projet ne s’improvise pas. Ça demande de l’organisation, une bonne dose de rigueur, un zeste de résistance au stress, et un soupçon de flexibilité face aux changements et aux imprévus.
Nous serons tous d’accord sur ce point.
Mais dès qu’on s’attaque à la manière de gérer des projets complexes, on se rend compte qu’il y a presque autant de façons de gérer des projets qu’il y a des chefs de projet.
A vrai dire, il n’y a pas de méthodes de gestion de projet meilleure qu’une autre. Juste des méthodes plus adaptées à telle ou telle situation. Par contre, il y a des erreurs qu’il faut éviter à tout prix.
Je pilote des projets complexes depuis 2008, et j’ai pu voir dans ma carrière les mêmes erreurs, se répeter encore et encore, aussi bien chez des chefs de projet débutants que des directeurs de projet aguerris.
1 ) Croire que gestion de projet signifie planification
Première erreur : penser que gestion de projet = planification.
Je la vois partout : en entreprise, sur linkedin, sur la plupart des blogs spécialisés…
Dans l’inconscient collectif, gérer un projet, c’est avoir une énorme To Do List, et suivre l’avancée de chaque tâche. Finalement, un projet pourrait se résumer au fait de devoir réaliser 100% des tâches identifiées.
Je ne compte plus le nombre de freelances et indépendants qui proposent leurs templates de gestion de projet sur Canva, Notion, Excel et compagnie.
C’est peut-être pratique, à un moment donné, il faut bien gérer des tâches dans un projet, pour avancer et produire un livrable.
Mais ça n’est qu’une activité de la gestion de projet.
D’ailleurs, si un projet se résumait à gérer des tâches, on aurait appelé ça la gestion de tâches, et pas la gestion de projet.
A ) Les domaines de connaissance de la gestion de projet
Mais alors, qu’est-ce qui se cache derrière la gestion de projet ?
D’après le guide PMBOK, une référence en matière de gestion de projet, il existe 10 domaines de connaissances distincts qu’un chef de projet doît maîtriser :
- La gestion de l’intégration, ou project integration management
La gestion de l’intégration consiste à initier le projet, en définissant la raison d’être du projet, les objectifs à atteindre, et la meilleure manière d’y répondre. - La gestion de la portée, ou project scope management
La portée, c’est l’autre nom que l’on donne au périmètre du projet, c’est-à-dire l’ensemble du travail à réaliser pour répondre aux objectifs du projet. Cela inclut le recueil des exigences et besoins métier, la définition des actions à réaliser, et leur séquencement. - La gestion de l’échéancier, ou project time management
La gestion de l’échéancier consiste à regrouper les tâches en séquences (ou en lots), à estimer la durée de chaque tâche, et à créer le planning ou calendrier projet, avec des dates précises. - La gestion des coûts, ou project cost management
La gestion des coûts a comme objectif d’estimer un budget prévisionnel pour l’ensemble du projet, puis à suivre et maîtriser ces coûts pour éviter des dépassements. - La gestion de la qualité, ou project quality management
La gestion de qualité, c’est s’assurer que ce qu’on a dit qu’on allait faire est bien fait. Le chef de projet vérifie que les livrables fournis aux clients sont bien conformes aux standards de qualité attendus. - La gestion des ressources, ou project ressource management
La gestion des ressources regroupe les activités de recrutement de l’équipe projet, ainsi que l’obtention de toutes les ressources nécessaires pour réaliser le projet (fournitures, matériels, logiciels, etc) - La gestion des communications, ou project communication management
La gestion des communications consiste à anticiper, planifier et suivre toutes les communications autour du projet : documents et mails à envoyer, brochures et feuillet d’information à créer, ateliers de travail ou formations à organiser. - La gestion des risques, ou project risk management
La gestion des risques, c’est anticiper tout ce qui pourrait mal se passer pour éviter que ça se produise. Le job d’un chef de projet, c’est d’anticiper les problèmes pour les éviter, plutôt que d’attendre passivement que ça arrive et de réagir en « mode pompier ». - La gestion des approvisionnements, ou project procurement management
La gestion des approvisionnements consiste à gérer les achats, commandes, fournisseurs, prestataires et tout l’aspect contractuel qui y est associé. - La gestion des parties prenantes, ou project stakeholders management
Enfin, l’objectif de la gestion des parties prenantes est de répondre aux attentes et besoins des personnes impliquées dans le projet et impactées par celui-ci. On va donc communiquer, faire de la conduite du changement, expliquer, gérer les éventuels conflits, …
B ) Par où commencer en tant que chef de projet
SI vous vous sentez accablés par le nombre de choses à réaliser et suivre dans un projet, c’est normal.
Être chef de projet, c’est exigeant.
Mais toutes ces actions ne sont pas à réaliser en même temps. Un projet est découpé en 5 étapes distinctes, et chacune d’entre elles implique de faire des actions spécifiques :
- Etape d’initialisation.
Au démarrage du projet, le chef de projet doit l’initialiser, en cadrant le projet. En clair, il détermine les objectifs à atteindre, la durée et le budget du projet, les contraintes à respecter, et le périmètre des actions à réaliser. - Etape de planification.
Lors de cette étape, le chef de projet estime la durée des tâches à réaliser, détermine l’ordre dans lequel réaliser ces tâches, puis crée un planning détaillé ou un diagramme de Gantt. - Etape de réalisation.
En phase de réalisation, l’équipe projet suit le planning projet et réalise les actions les unes après les autres, afin de fournir le ou les livrables du projet. - Etape de supervision.
L’étape de supervision se déroule en parallèle de l’étape de réalisation, et consiste à superviser le travail réalisé, et à s’assurer que tous les voyants sont au vert. - Etape de clôture.
Enfin, l’étape de clôture a comme objectif de vérifier que ce qui a été livré répond bien aux attentes définies au démarrage du projet, et que tout le monde est d’accord sur le travail produit et les résultats obtenus. Suite à ça, le projet peut officiellement être clôturé.
2 ) Prendre les estimations pour des prédictions
Vous allez voir un expert, et vous lui demandez combien de temps il lui faudra pour réaliser une action spécifique. Il vous répond 3 jours.
Que retenez-vous de la discussion ? Tâche A = 3 jours de travail.
Sauf qu’il s’agit d’une estimation, et pas d’une durée gravée dans le marbre.
Je vous rassure, il s’agit d’une erreur que l’on fait quasi tous, mêmes les plus chevronnés d’entre nous.
Pour ne plus se faire avoir bêtement sur les estimations, voici ce que vous devriez faire la prochaine fois que vous estimez la durée de vos tâches :
- Demandez à un expert 3 estimations : une optimiste, une pessimiste et une réaliste. C’est ce qu’on appelle l’estimation à 3 points.
Reprenons notre exemple.
Pour réaliser la tâche A, notre expert annonce les estimations suivantes :
- Temps Optimiste, dans des conditions idéales et sans aucun obstacle : 2 jours.
- Temps Réaliste, dans des conditions de travail normales, avec quelques petits imprévus : 3 jours.
- Temps Pessimiste, avec des obstacles à répétition, et les pires conditions de travail possibles : 7 jours.
Vous savez maintenant que la tâche A peut prendre de 2 à 7 jours, le plus probable étant 3 jours.
D’un coup, vous pouevz prendre des marges de sécurité dans votre planning, pour éviter un effet tunnel ou vous retrouver coincés au moindre petit retard.
Mais on peut aller plus loin.
- Demandez au même expert son niveau de confiance pour l’estimation, entre 1 et 5.
Un niveau de confiance à 1 signifie que vous devez plutôt prendre en compte l’estimation pessimiste.
Un niveau de confaince à 5 correspond à l’estimation optimiste.
Avec ces deux questions à priori anodines, vous êtes maintenant capable d’estimer le tmeps de réalisation le plus probable pour chacune de vos tâches, ainsi que les dates de réalisation au plus tôt (scénario optimiste) et au plus tard (scénario pessimiste).
3 ) Planifier de façon trop optimiste
Lorsqu’on planifie un projet, on peut vite se planter sur le calendrier.
On ne pêche pas par excès de prudence, mais plutôt par excès d’optimisme.
SI je vous demande un exemple d’un projet qui s’est terminé plus tôt que prévu, vous allez ramer longtemps avant de m’en donner un. Par contre, on a tous en tête des exemples de projets qui ont détapé en terme de planning.
Ça s’explique notamment par trois éléments :
- Le planning est trop optimiste.
Le planning présenté est un planning idéal « dans le meilleur des mondes ». Au moindre obstacle, à la moidnre difficulté, il explose en vol. Et croyez-moi, ça arrive tout le temps. - Une gestion de risque trop « light ».
La gestion des risques projet est trop vite expédiée au début du projet. Quand elle est faite. Résultat : on va se prendre de plein fouet des imprévus et des obstacles, que l’on aurait pu identifier en amont et éviter. - La loi de Parkinson.
Cette loi dit que le temps nécessaire à l’accomplissement d’une tâche est sous-évalué, même en tenant compte des imprévus, et même en tenant compte de la loi de Parkinson.
Pour éviter cette situation, et construire un planning réaliste, voici ce que vous devriez faire :
- Arrondissez toujours à l’heure supérieure si votre estimation se chiffre en heures. Si l’estimation se chiffre en jours, arrondissez dans ce cas à la demi-journée supérieure.
- Découpez votre projet en sous-projets ou en lots. Plus le travail à estimer est petit, plus votre estimation sera précise et moins la marge d’erreur sera grande.
- Tenez compte des dépendances de tâches entre elles afin d’estimer la durée totale du projet. Certaines tâches ne peuvent pas commencer tant que les précédentes ne sont pas terminées. On parle alors de prédécesseurs et de successeurs.
- Établissez un rétroplanning à partir de la date de réalisation « au plus tard ». Cela vous donnera les dates butoir à absolument respecter dans le cadencement de votre projet.
- Réalisez un rétroplanning à partir de l’échéance « au plus tôt ». Cela vous donnera les dates minimum à partir desquelles vous serez en mesure de réaliser les tâches.
- Ajoutez des marges de sécurité de l’ordre de 10 à 20%, notamment lorsque vous n’êtes pas sûr du plan d’action associé à une tâche. Ces tampons (ou buffers) vous permettront d’absorber un retard sur une tâche ou de faire face à une difficulté technique sans pour autant remettre en cause toutes les tâches qui suivent, et donc tout votre planning.
- Consultez des retours d’expérience et des bilans projet de projets similaires. Vous y découvrirez de précieuses informations sur les estimations réalisées, le temps réellement passé, les difficultés rencontrées, … Autant d’informations utiles pour vous permettre d’estimer et de cadencer au mieux votre projet.
4 ) Ne pas rédiger de compte-rendu
Le compte-rendu de réunion, c’est l’assurance d’avoir une trace écrite de ce qui s’est dit, des décisions prises et des prochaines actions à réaliser.
C’est primordial pour assurer le pilotage d’un projet.
Mais c’est la première chose qui saute quand le chef de projet est pris par le temps.
Et ça, c’est une grave erreur !
Laissez-moi vous raconter une histoire.
Dans un de mes précédents jobs, j’ai piloté un projet de migration IT pour une collectivité territoriale, dont l’objectif était de migrer l’ensemble du système d’information (les serveurs informatiques) d’un point A à un point B.
Un banal déménagement, en somme ; A une exception près : C’est comme si on devait construire une partie de la maison à l’arrivée, pendant que le déménageur est sur la route.
Bref, sujet sensible, avec de multiples risques et inconnues.
Suite aux premières difficultés rencontrées, malgré la gestion de risques réalisée, nous avons organisé une réunion avec le client, afin d’expliquer en toute transparence ce qui se passait, et les décisions à prendre, pour l’avenir du projet.
Nous nous mettons d’accord sur un plan d’action. Et nous continuons à dérouler.
Pris par le temps, j’ai fait l’impasse sur ce compte-rendu. C’est le seul que j’ai zappé sur ce projet, par manque de temps.
Malheureusement, quelques mois plus tard, ça m’est revenu en pleine poire.
La situation avait empiré, on n’arrivait plus à communiquer avec le client, et il était revenu sur les décisions prises.
Bref, je me trouvais en pleine situation de crise, avec un projet qui a explosé en cours de route : plus de planning, migration à l’arrêt, budget qui a déjà fait x3… Vous voyez la situation.
Et vous savez ce qui aurait pu me sauver à ce moemnt-là ? Ce fameux compte-rendu que j’ai volontairement zappé pour gagner du temps.
Ce qui aurait pu être réglé en quelques jours a mis 1 an et demi à se résoudre, avec des conflits à traiter chaque semaine. Epuisant ! ça a fini par se régler par bataille d’avocats.
Donc quand je vous dis que le compte-rendu est important, et que c’est la première chose à faire, même par manque de temps, croyez-moi.
Voici quelques règles à respecter :
- Indiquez les participants à la réunion.
- Précisez la date et l’objet de la réunion.
- Indiquez quelles sont les décisions prises en réunion, et qui les a validé.
- Faites un résumé des discussions.
- Finissez par un tableau des prochaines actions à réaliser, qui doit répondre aux questions : Qui, Quoi, Quand.
5 ) Sous-estimer l’importance de la communication
La communication, c’est LA clé en gestion de projet.
AU final, peu importe vos compétences, votre rigueur, votre motivation ou la qualité de l’équipe projet. Ce qui compte, c’est la communication.
Et par communication, j’entends :
- La communication interne à l’équipe projet, c’est-à-dire comment les membres de l’équipe communiquent entre eux.
- La communication entre le chef de projet et l’équipe projet.
- La communication externe, c’est-à-dire entre l’équipe projet et les autres acteurs.
Votre rôle, en tant que chef de projet, est de faire en sorte que tout le monde travaille ensemble et collabore.
Vous devez donc :
- Fédérer les membres de l’équipe projet, autoru d’un objectif commun : la réalisation du projet.
- Faire travailler ensemble des personnes qui ne se connaissent pas ou n’ont pas la même façon de travailler.
- Recueillir les besoins et attentes des différents acteurs.
- Comprendre l’objectif du projet, ce qu’on cherche à accomplir, et savoir le restituer et l’expliquer aux autres.
- Suivre l’avancée du projet.
- Animer les différentes réunions et comités de pilotage, durant toute la durée du projet.
Tout cela fait appel à une compétence majeure : la communication.
Si je devais résumer ce qu’est la communication, je dirais que c’est l’art de dialoguer avec les autres, d’exposer clairement des faits ou un point de vue, de comprendre et de se faire comprendre.
Il y a mille et une choses qui peuvent mal tourner lorsque deux personnes communiquent mais ne se comprennent pas. Et sur un projet, ça peut vite dégénérer vers une situation dramatique.
On a tous en tête cette image, qui décrit parfaitement les problèmes d’une communication non maîtrisée, et les impacts pour le projet.
Voici quelques astuces que je vous conseille vivement d’adopter au quotidien dans la gestion de projets :
- Ce qui est évident pour vous ne l’est pas forcément pour les autres.
Prenez le temps d’expliquer le fond de vos propos. - Reformuler toujours les propos de votre interlocuteur pour être sûr d’avoir bien compris. Cette technique permet de s’assurer que l’on a bien compris le message, sans zone d’ombre.
- Soyez le plus factuel et précis possible, tout en étant le plus concis possible.
Plus vous bombarderez d’informations, plus vos interlocuteurs auront du mal à vous suivre. - Si vous ne vous êtes pas compris avec votre interlocuteur, partez toujours du principe que vous vous êtes mal exprimés ou que vous avez mal interprété.
Mettre l’autre en porte-à-faux ne ferait que jeter de l’huile sur le feu et de raviver les tensions existantes entre vous.
Conclusion
Je pourrais encore vous lister des dizaines et des dizaines d’erreurs ou de bonnes pratiques, et on y serait encore dans 4 heures.
Mais si vous appliquez les conseils donnés dans cet article, vous serez déjà en mesure de considérablement améliorer vos chances de succès dans vos projets.
Un dernier conseil pour la route :
Appliquez l’amélioration continue dans tout ce que vous faites, et cherchez à vous améliorer constamment, sur les différents aspects du pilotage de vos projets.
Minibio auteur :
Thibault Baheux
Après avoir été chef de projet, manager d’équipe puis manager de transition indépendant, et travaillé sur des projets à plusieurs millions d’euros, réunissant plus de 70 personnes, Thibault partage aujourd’hui ses compétences en gestion de projet afin de rendre ce domaine accessible à tous.
Il est le fondateur de reussirsesprojets.com, et est également co-fondateur d’une startup.
Ses certifications : Prince2, CompTIA Project+ certified, PSM1, PSPO1, PAL, Lean Six Sigma Black Belt.